Impact d’une Thérapie Cognitivo-Comportementale sur la formation des habitudes chez les patients atteints du syndrome Gilles de La Tourette.

Depuis la création de l’association en 1997 nous avons participé au financement de dizaines d’études et de travaux de recherche dans le but d’améliorer le quotidien de nos jeunes et moins jeunes atteints du syndrome de Gilles de la Tourette.

Il n’est pas toujours aisé de partager ici les rapports d’activités de nos chercheurs mais quand l’un d’entre eux nous semble abordable, voire même aidant pour mieux comprendre une thérapie, un aspect du syndrome ou encore de son acceptation, ou rejet, par la société, nous le ferons. Voici donc le premier d’entre eux que je vous ai choisi pour cette rentrée 2019.

RAPPORT D’ACTIVITÉ

Projet de recherche de Sophie d’Harcourt

Convention AFSGT / APHP – Centre de Référence SGT

Janvier 2017 à Septembre 2018

Ce document constitue le rapport d’activité reprenant le bilan de mon activité de psychologue, financée par l’AFSGT pendant 21 mois de janvier 2017 à septembre 2018 à la Pitié Salpêtrière, au Centre de Référence Maladie Rare du syndrome Gilles de la Tourette, dirigé par le Dr Hartmann.

En octobre 2016, nous avons répondu à l’Appel d’Offre de l’AFSGT afin de pouvoir prolonger un travail de recherche entamé durant mon Master 2 de Psychologie Clinique. Ce travail de recherche initial s’inscrivait dans le cadre de mon Mémoire de fin d’études. Si les résultats semblaient alors aller dans le sens de nos hypothèses, l’échantillon n’était pas suffisamment important pour généraliser les conclusions et nous souhaitions donc inclure plus de sujets.

Ce rapport présente les résultats obtenus et les différents projets auxquels j’ai pu contribuer durant ces 21 mois.

Présentation de l’étude

« Habirette » : L’impact d’une Thérapie Cognitivo-Comportementale sur la formation des habitudes chez les patients atteints du syndrome Gilles de La Tourette.

Cette étude avait pour but de contribuer à mieux saisir les mécanismes cognitifs à l’œuvre dans une TCC à visée anti-tics et de mieux comprendre la question des non-répondeurs aux thérapies. De manière plus spécifique, nous nous sommes intéressés à l’hyperactivité du système de formation des habitudes et son implication éventuelle dans les TCC anti-tics.
Pour rappel, des études comportementales sur les rongeurs et les hommes ont prouvé que la performance à une tâche de prise de décision dépendait de deux processus d’apprentissage instrumental distincts (de Wit & Dickinson, 2009). L’un prend en compte les conséquences de l’action qui va être accomplie tandis que l’autre est contrôlé par la formation d’une association Stimulus-Réponse, sans lieu direct avec le résultat de l’action qui va être faite. Il s’agit respectivement du système des actions dirigées vers un but (ex : allumer la lumière de notre chambre car il fait sombre), et de celui des habitudes (allumer la lumière par reflexe en entrant dans la pièce, alors même qu’il ne fait pas sombre). Ces deux systèmes régissent nos actions et agissent tantôt en compétition, tantôt en parallèle, lorsqu’il s’agit de sélectionner le type d’action nécessaire pour être le plus performant (Tricomi, Balleine & Doherty, 2009).

Delorme et al. (2016) avaient constaté une hyperactivité du système de formation des habitudes, chez les patients atteints du SGT non-traités par les médicaments agissant sur le système de transmission dopaminergique. Les auteurs avaient également mis en évidence les caractéristiques communes des tics et des habitudes : ils partagent le fait d’être insensibles aux buts, de se manifester de manière répétée, stéréotypée et rigide, et d’être directement liés à la dopamine.
Aussi, le but de l’étude était de déterminer si une TCC pouvait diminuer non seulement les tics, mais également modifier l’hyperactivité du système de formation des habitudes des personnes ayant un SGT.

Méthode et résultats

Parmi les deux techniques de TCC les plus utilisées, la Thérapie par Renversement des Habitudes et la thérapie d’Exposition et Prévention de la Réponse, c’est la seconde qui a été choisie. L’ERP est une approche basée sur le fait que le tic répond à une boucle sensation prémonitoire – exécution d’un tic – soulagement, qui constitue un cercle vicieux et vient renforcer les tics. Le but principal de cette thérapie est d’interrompre cette séquence par l’apprentissage de l’habituation à la sensation. On apprend au patient à tolérer la sensation prémonitoire sans y répondre par un tic, en d’autres termes, on cherche à inhiber la réponse habituelle (le tic) qui est produite après la sensation. A long terme, le patient s’habitue à la sensation et n’a plus besoin de manifester de tic pour se sentir soulagé. Verdellen et al. (2004) ont montré que la thérapie s’était révélée efficace puisque dans leur étude, 60% des patients avaient présenté au moins 30% de réduction des tics.
Cette technique est plus adaptée aux profils de patients ayant de nombreux tics divers et concerne la majorité des patients adultes que j’ai rencontrés.

Au total, 24 patients ont été inclus dans l’étude clinique.
Il s’agissait de 19 hommes et 5 femmes âgés de 18 à 66 ans. Parmi eux 14 seulement ont effectué le protocole de recherche en entier.
L’hypothèse principale était la suivante : la thérapie d’ERP chez les patients atteints du SGT permet de diminuer l’hyperactivité du système de formation des habitudes, mesurée à l’aide d’une tâche instrumentale d’apprentissage. L’hypothèse secondaire était : La baisse des réponses habituelles est corrélée positivement avec la baisse des tics après une thérapie d’ERP.
D’après les analyses statistiques réalisées, il semblerait que notre hypothèse ne soit pas confirmée.

Les résultats obtenus sont les suivants :

  • La TCC d’ERP a été efficace et a permis une diminution des tics ;
  • Dans la tâche d’apprentissage instrumentale, le taux de réponses aux stimulus dévalués n’a pas diminué de façon significative.

Cela signifie que la balance entre le système de formation des habitudes et le système des actions dirigées vers un but ne semble pas avoir été significativement modifiée après la thérapie. Cela implique donc qu’on ne peut pas établir de lien entre une réussite de la thérapie et une modification de l’hyperactivité du système de formation des habitudes.

Puisque la réussite de la thérapie n’a pas contribué à diminuer le nombre de réponses produites par le système des réponses habituelles, alors notre hypothèse principale n’est pas vérifiée. D’autre part, on ne peut pas établir de corrélation positive entre la diminution des tics et la baisse des réponses habituelles, l’hypothèse secondaire n’est donc pas vérifiée non plus.

Ainsi donc, puisque les tics ont diminué mais que la balance réponses habituelles/réponses dirigées vers un but n’a pas subie de variation significative, il semblerait qu’on ne puisse pas imputer la réussite de la TCC d’ERP à une modification au niveau du système des processus d’apprentissages instrumentaux permettant la prise de décision.
La balance réponses habituelles/réponses dirigées vers un but ne serait donc pas impliquée dans la TCC anti-tics.

Un article scientifique est en cours de préparation et sera publié courant 2019.

Activité clinique

TCC

Outre la recherche, mon activité de psychologue au Centre de Référence SGT m’aura permis de mener 296 entretiens de thérapie anti-tics, dont 26 entretiens téléphoniques, pour 37 patients différents.

Création d’outils thérapeutiques

Forte de mes quelques années d’expériences et des observations menées auprès des patients durant les thérapies, j’ai pu réfléchir durant mon activité au Centre de Référence SGT à des outils permettant d’améliorer la prise en charge et l’implication des patients. Il s’agit majoritairement de différents supports papiers, ainsi que de « fiches mémo » pour les patients ou les parents.
J’ai également créé et standardisé un compte-rendu type à rédiger après chaque premier entretien et après chaque bilan de suivi, à transmettre au neurologue référent de l’équipe, pour garder une trace écrite et faciliter les transmissions.

Par ailleurs, en 2017 j’ai participé à l’élaboration d’un outil thérapeutique pour les TCC anti-tics, avec le Living Lab de la Pitié-Salpêtrière.

Enfin, ayant à cœur la transmission des connaissances que j’ai pu avoir grâce à mes différents stages au centre de Référence et au Canada, j’ai pris le temps d’expliquer à différents stagiaires et internes la thérapie anti-tics. J’ai également été amenée à m’entretenir avec des étudiantes en Art Décoratifs de Paris qui ont fait leur projet de fin d’études sur le SGT.

Je tiens à remercier l’AFSGT de s’être intéressée à ce travail de recherche, ce qui m’a permis de mener le projet à son terme, et de participer à d’autres activités cliniques, grâce au financement de mon poste de psychologue.

Sophie d’Harcourt

Rapport d’activité final S d’Harcourt