Retour sur Handicapable, première manifestation du genre, organisée à l’ICM le 3 décembre dernier. Nous y étions…
Pour la première fois, en partenariat avec les associations de patients, l’ICM initiait un lieu d’échanges positif et innovant sur les conséquences individuelles et sociétales des maladies du système nerveux : handicap moteur, cognitif, mental ou psychique.
Le handicap n’empêche pas le talent ! Mais oui, c’est tellement vrai.
Nous allons y venir mais auparavant il faut que vous sachiez que, contrairement à bien d’autres handicaps, notamment les handicaps moteurs, le SGT se présente sous des formes très complexes qui font que parfois le handicap est plus handicapant pour ceux qui les entourent que pour eux-mêmes.
Le SGT est gênant pour leur entourage, très gênant, épuisant pour les parents. Des mouvements désordonnés, des bruits bizarres, de l’écholalie, une grande nervosité, des crises de rage, des tendances suicidaires associées à la dépression, une grande susceptibilité et puis il y une autre forme… mais je n’en parle pas car elle est reprise par tous les médias pour faire rire alors qu’elle est très handicapante mais heureusement assez rare.
En bref, le SGT rend les gens bizarres pour toute personne de l’extérieur. Il y a longtemps, on disait qu’ils étaient fous. C’est encore parfois le cas au 21ème siècle !
En voici une description assez réaliste :
Tout est extraordinaire dans cette maladie. De graves auteurs ont douté de son existence. D’autres l’ont crue simulée. Quelques-uns l’ont réputée surnaturelle.
Voilà ce qu’en disait un grand médecin qui a étudié le SGT en… 1810 – Dr Etienne-Michel Bouteille.
Au-delà de cette maladie qui peut passer de tous les extrêmes, de formes allégées aux formes les plus lourdes, il y a beaucoup d’échecs et de grande souffrance avec bien peu de rémissions pendant toute leur vie. Mais il y a aussi des talents qui se révèlent, parfois après bien des années de souffrance.
Alors parlons des talents et des réussites.
Tout d’abord, un peu d’histoire : Mozart, un génie, aurait été un SGT inconnu. André Malraux, un autre homme célèbre, l’était aussi clairement comme on peut le voir lors d’interviews télévisées. Evidemment il y en a d’autres. On ne les connaît pas tous.
Alors aujourd’hui, je souhaiterais vous raconter trois petites histoires de talents qui portent en eux des succès sur la maladie même si ceux-ci sont parfois émaillés de difficultés dans la vie de tous les jours. Je devrais en rajouter une quatrième mais l’intéressé vous en parlé lui-même et on ne peut que le féliciter non seulement pour son talent mais aussi pour sa persévérance.
Cet homme, dans la cinquantaine, est affecté d’une forme assez sévère du SGT depuis son enfance et, il le dit lui-même, la maladie lui a gâché sa vie. Mais il a réussi dans une activité qui pourrait paraitre totalement incompatible avec le SGT : il est tireur d’élite…. Bien entendu dans un club où il est le meilleur. Alors, quand il nous a raconté cela lors d’une réunion relais, on avait du mal à le croire. Mais il a réussi des concours de tir et localement il est reconnu comme un des meilleurs.
J’ai connu ce garçon lorsqu’il avait 10-12 ans, affecté par un SGT un peu plus modéré, toutefois très handicapant à l’école. Il a suivi une scolarité pas simple mais normale. Vers les 20 ans, des pompiers français l’invitent à se surpasser: faire l’ascension du Kilimandjaro avec d’autres jeunes affectés handicaps. Evidemment, ils se sont entrainés. L’ascension a été dure mais il était bien entouré. Il a failli abandonner plusieurs fois. Mais il y est arrivé. Et puis ayant passé un bac brillant, il a passé son CAPES, est devenu prof de français ou de lettres mais ne s’est pas arrêté là. Aux dernières nouvelles, il préparait l’ENA.
Ce jeune homme de 20 ans a eu et a toujours une forme sérieuse de SGT qui lui a gâché la vie ainsi que celle de sa famille. Arrivé à la majorité son handicap était tel qu’il a été opéré pour installer dans son cerveau un système de stimulation cérébrale profonde. Opération lourde mais le résultat, quoique imparfait redonne espoir. Depuis sa jeunesse, il avait une manière de parler du ciel et, la nuit, de le regarder. Très vite il vous raconte tout ce qu’il a appris, tout seul, par lui-même, sur l’astronomie, les étoiles, les mondes éloignés et comment on les connaît, par l’astrophysique. Et puis récemment, il me dit, je souhaite devenir astrophysicien, comment puis-je faire pour y arriver ? Il s’est inscrit à l’université, il a débuté une formation avec ce grand objectif de devenir astrophysicien c’est à dire parmi les meilleurs scientifiques actuels. Il en a les capacités. Il lui faudra beaucoup de persévérance et de soutien de sa famille et de ses proches mais il est capable.
Au fond, les SGT ne sont-ils pas comme nous tous ?
Eh bien non. Et là je veux vous faire part d’une théorie qui n’est en rien médicale mais que j’ai pu vérifier tant et tant de fois autour de moi, en France et à l’étranger : Chut, ne le leur dites pas… mais les enfants SGT sont parmi les plus intelligents de notre société. Déjà, la grande majorité d’entre eux ont des intelligences bien au-dessus de la moyenne (enfants à haut potentiel). Alors pourquoi ? Mon sentiment est qu’ils sont hyper-sensibles au monde qui les entoure. Tout d’abord cette vitalité pour trouver des moyens de lutter, ou de gérer leurs tics ou tocs et autres co-morbidités qui nécessite une obligation de se contrôler, de se surpasser. Et puis, le regard des autres qui fait que la sensibilité reste à fleur de peau. En conséquence, ils captent des choses que les non SGT ne perçoivent pas.
Voilà, nos SGT ont du talent. C’est vrai. Il faut qu’on les aide à le cultiver. C’est pas simple mais ces talents, si riches et variés, sont pour eux porteur d’espoir, d’estime de soi et de confiance en eux.
Article de Jean-François Mittaine
Vice-Président de l’AFSGT